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Beau, vous dîtes !


Beau, vous dîtes!

Si je vous demandais quel était votre dernier contact avec la beauté, quelle serait votre réponse? Un sondage concernant cette même question a été réalisé en 2009 par la revue française Beaux Arts Magazine[1]. Voici quelques résultats : 44 % des gens consultés ont répondu marcher dans la nature, 34 % faire l’amour et écouter de la musique a été mentionné par 29 %. Les expositions d’œuvres d’art arrivent en 8e place et ont été sélectionnées par 9 % des Français.

On peut avancer que notre rapport à la beauté évolue avec les années. Nos préférences, à différents stades de notre développement, changent. L’idéal de beauté varie également selon les époques. Il en est de même pour l’appréciation des œuvres d’art. Étant donné que la forme de contact avec la beauté qui nous occupe se situe au niveau des œuvres d’art, la définition suivante, puisée dans le Petit Robert, s’avère intéressante : Représentation du beau. Expression par les œuvres de l’homme, d’un idéal esthétique[2]. Plus jeune, je me suis offusquée de cette façon de décrire l’art. Pour moi, l’art n’était pas ce qu’une majorité classait dans la catégorie beau. Puis j’ai compris tout le sens dont ce terme est porteur. Le beau ne renvoie pas seulement à l’appréciation de l’apparence de l’œuvre d’art. On trouve beau parce qu’on est ému! Beau, quand cela nous fait plonger dans la douceur de notre monde intérieur ! Beau, parce que différent, rafraichissant, etc. Le terme beau s’applique à ce que l’on on regarde ou à ce que l’on vit.

En lisant sur la vie d’artistes d’autres époques, il m’arrive souvent d’être triste devant toutes les difficultés et les misères rencontrées par ceux qui ne furent pas reconnus de leur vivant. La vie de Camille Claudel, à ce jour, m’a le plus ébranlée. Qu’est-ce qui fait qu’un artiste sera reconnu cent ou deux cents ans après sa mort? Sûrement plusieurs facteurs. Ce n’est pas le sujet de mon article, mais le neurologue Pierre Lemarquis a peut-être une explication concernant l’évolution de cet idéal qui sera prôné selon l’époque. Notre rapport au changement, selon lui, opère ainsi : « Après une phase de surprise et de tension devant la nouveauté qui paraît ambigüe, étrangère et incompréhensible, se mettent en place des mécanismes d’adaptation, de compréhension et d’intégration aboutissant à une phase de reconceptualisation, de reconnaissance et de familiarité enrichissante, qui peuvent constituer une des fonctions de l’œuvre d’art et l’une des caractéristiques de l’émotion esthétique, mais aussi de la créativité[3] ». Ce qui pourrait expliquer le fait que certains artistes, aujourd’hui reconnus et appréciés, aient vu leur travail affublé de bien des caractéristiques, et aient été exclus. Nous pouvons citer en exemple l’art moderne nommé «art dégénéré» par les nazis. Dans ce groupe d’artistes qui ont bénéficié de cette étiquette, on retrouve les peintres Kandinsky, Ernst, Klee et plusieurs autres.

Écouter sa petite voix artistique intérieure n’est peut-être pas très prometteur dans l’immédiat en ce qui a trait à la reconnaissance ou encore pour le portefeuille, mais combien salvateur pour l’être et le souffle de vie qui nous anime. Plus on goûte à cette liberté d’être soi-même et plus on s’y habitue, s’y enlise, et tout ce que l’on souhaite, c’est pouvoir s’y vautrer à jamais. La quête de singularité est bien familière aux artistes. C’est chercher ce que l’on a d’unique, faire les choses à notre façon, non pas pour être différent, mais parce que c’est une quête qui nous habite. Ce modus operandi ne s’avère pas toujours de tout repos. Mais le jeu doit bien en valoir la chandelle si l’on constate le grand nombre d’adeptes. Alors, je lève mon chapeau à votre singularité, chers artistes !

[1] Beaux Arts Magazine. Qu’est-ce que la beauté?, numéro spécial 300, mai 2009.

[2] REY-DEBOVE Josette et Alain REY. Le nouveau Petit Robert 2010: Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert 2009, p. 147.

[3] LEMARQUIS, Pierre, Portrait du cerveau en artiste, Paris, Odile Jacob, 2012, p.26.

Crédit photo : Nick Harris1 via Foter.com / CC BY-ND


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